ZENITER Alice - "L'art de perdre"
Cette romancière est née en 1986.
Elle est traductrice, scénariste, dramaturge, metteuse en scène de théâtre.
Je n’avais jamais entendu parler d'elle jusqu'à présent.
Et pourtant, elle a publié :
— Deux moins un égal zéro — Jusque dans nos bras — Sombre Dimanche — De qui aurais-je crainte ? Juste avant l’oubli — Comme un empire dans un empire.
Avec « L’art de perdre » en 2017, elle obtient de nombreux prix dont le prix Goncourt des lycéens.
Résumé
C’est l’histoire d’Ali racontée par « Naïma » l’une de ses petites filles.
Ali, est, ce que l’on nomme un « harki ».
Pour les Algériens, c’est un traître, et un collaborateur. Pour les Français, il est et restera toute sa vie un étranger.
En Algérie, il avait des maisons, des amis, une fratrie. Il était considéré par tous.
En France, il n’est plus rien. Il est parqué avec sa famille dans un camp du sud de la France et y vit dans des conditions épouvantables. Il travaille durement. Il courbe l’échine, mais veut que ses enfants s’intègrent. Il fait tout pour être et se comporter comme les Français, mais il évitera de parler de l’Algérie et de répondre aux questions que lui posent ses enfants.
Hamid, l’un de ses fils qui deviendra l’intermédiaire à qui tout le monde s’adresse pour se faire comprendre des Français, n’oubliera jamais cette période de sa vie. Il fera de brillantes études, se mariera avec une Française, mais préférera se murer aussi dans le silence. Il évitera de parler d’un pays où il a très peu vécu et où il n’a nullement envie de revenir. Ce qui est le cas pour tous les autres membres de sa famille.
C’est sa fille Naïma qui fera pour des raisons professionnelles le voyage en Algérie sur les traces de ses ancêtres. Elle se posera de nombreuses questions sur ses racines et sur sa place dans cette histoire.
Que dire ?
C’est un sujet passionnant traité avec une rare profondeur. Il y a longtemps que je n’avais pas lu un récit aussi bien écrit, construit et documenté. D’autant qu’il relate des événements qui font partie de notre histoire, celle de la guerre d’Algérie qui a laissé des traces douloureuses chez les familles algériennes et françaises.
Deux phrases intéressantes écrites par Alice ZENITER :
- « La vie de mon grand-père (…) si on pouvait la regarder au travers de ses paroles et bien on distinguerait deux silences, qui correspondent aux deux guerres qu’il a traversées. La première, de 39-45, il en est ressorti en héros et alors son silence n’a fait que souligner sa bravoure et l’ampleur de ce qu’il avait eu à supporter. On pouvait parler de son silence avec respect, comme d’une pudeur de guerrier. Mais la seconde, celle d’Algérie, il en est ressorti traître et du coup son silence n’a fait que souligner sa bassesse, et on a eu l’impression que la honte l’avait privé de mots. Quand quelqu’un se tait, les autres inventent toujours et presque chaque fois ils se trompent (…)
- “Rien n’est sûr tant qu’on est vivant, tout peut encore se jouer, mais une fois qu’on est mort, le récit est figé et c’est celui qui a tué qui décide. Ceux que le FLN a tués sont des traîtres à la nation algérienne et ceux que l’armée a tués des traîtres à la France. Ce qu’a été leur vie ne compte pas.”
Ces phrases illustrent le poids de ce silence oppressant qui régnait dans certaines familles.
Ce fut le cas avec les guerres de 1914/1918 et de 1939-1945. Rares sont ceux qui les ont racontées à leur retour.
Je pourrais être plus dithyrambique et affirmer que ce roman aurait dû obtenir une consécration plus importante.
Le contenu de "L'art de perdre" se caractérise par une absence de jugement et à ce titre, il nous impose le respect du début jusqu’à la fin.
J’ajouterais encore :« enfin un ouvrage de qualité sur ce sujet ! ».
Ce livre m’a permis de revenir sur la guerre d’Algérie et de m’interroger sur cette partie de notre histoire.
Je laisse le soin aux lecteurs de se poser les questions que cet ouvrage suscitera lorsqu’ils l’auront terminé.
Il y aurait encore beaucoup de choses élogieuses à écrire.
C’est simplement un très bon roman qui nous ramène aux meilleurs auteurs de la littérature française.
Cet avis n’engage que moi.
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